Ekta Parishad et les luttes paysannes

Selon l'IFRI (International Food Policy Research Institute), plus de 165000 fermiers se sont suicidés en Inde depuis 1997. 1500 petits paysans se sont suicidés “collectivement” dans l'Etat indien du Chhattisgarh en 2009. C'est inacceptable, et malgré les nombreuses explications données pour comprendre ce phénomène (utilisation d'OGM, pesticides, dettes énormes, sécheresses, etc.), rien ne semble être fait pour arrêter ce cercle vicieux. Ce défi est mondial, particulièrement quand on prend en considération les nombreuses études sérieuses mettant en lumière le rôle majeur des petits paysans pour la production d'aliments pour le monde entier.

C'est pourquoi Ekta Parishad soutient la Déclaration pour les droits des paysans de Via Campesina et CETIM, et souhaite étendre sa portée aux droits de toutes les communautés sans-terres et marginalisées.

La lutte non-violente de paysans en Inde, un exemple

A travers l'Inde, Ekta Parishad soutient les paysans qui luttent pour garder les terres que des gens puissants, l'Etat ou de grands groupes industriels, veulent acquérir. C'est le cas de paysans dans le district de Jagatsinghpur, en Odisha, qui s'opposent à POSCO, une compagnie d'acier qui veut implanter un immense complexe d'aciérie dans la région. En 2005, l'Etat a accepté d'allouer 1200 ha de terrain à ce projet. Ce n'est cependant pas une terre vierge, puisque beaucoup de familles habitent là depuis plusieurs générations et cultivent la terre pour leurs propres besoins. Selon une loi indienne, le Forest Rights Act 2006, ces personnes devraient être les détenteurs légaux de ces terres, mais face aux intérêts financiers de compagnies privées, les droits des paysans sont niés. De plus, ce procédé d'acquisition des terres va à l'encontre des droits humains fondamentaux, tels que le droit à l'alimentation, puisque qu'il priverait des milliers de gens de leurs ressources. Avec le soutien de plusieurs organisations, dont Ekta Parishad, les villageois luttent pour arrêter ce projet. Il y a quelques jours, le 30 mars, la lutte a vu une première victoire : un tribunal a annulé l’autorisation environnementale accordée à POSCO. Mais c'est juste un retardement de la mise en œuvre du projet. La vraie victoire serait d'arrêter définitivement ce genre de projet en reconnaissant que les droits des paysans, et plus généralement des humains, sont plus importants que l'industrialisation.

Déclaration de Rajagopal PV, Président de Ekta Parishad, à propos des luttes paysannes, avant Jan Satyagraha 2012

“ Jan Satyagraha est un processus d'une année organisé par Ekta Parishad et soutenu par 2000 organisations pour rassembler des sans-terres, dalits, adivasis, pêcheurs, femmes, pauvres citadins et minorités sexuelles vulnérables, pour demander le contrôle des terres et des ressources naturelles. Pendant cette année, des militants sociaux représentant différentes luttes vont voyager à travers l'Inde pour mettre en lumière les campagnes qui ont lieu sur le terrain et amener les Etats et les autres acteurs concernés dans un processus de dialogue pour trouver des solutions aux problèmes des communautés exclues. Ce processus va atteindre son paroxysme dans une marche de 35 jours où 100000 personnes marginalisées et exclues vont couvrir une distance de 350 km pour mettre la pression sur le gouvernement afin d'obtenir des réformes politiques. Une des questions majeures de Jan Satyagraha est celle du contrôle des peuples sur les terres et les ressources naturelles pour combattre la pauvreté, en opposition avec l'exploitation de ces mêmes ressources à des fins industrielles. Ce mouvement est un effort pour questionner la mondialisation et la structure néolibérale du développement, et pour proposer une structure politique promouvant un modèle de développement assurant la justice et l'équité. De ce fait, Jan Satyagraha est totalement en faveur de la “Déclaration des droits des paysans – Femmes et hommes” proposée par Via Campesina aux Nations Unies. Pour répondre à la pauvreté mondiale, les droits à la terre et aux moyens de subsistance pour les communautés sans-terres ne peuvent être séparés de ceux des paysans.

Le pic de suicides de fermiers dans le monde est un indicateur clair de l'échec de notre actuel modèle de développement. La crise économique récente confirme l'échec de ce paradigme de développement à assurer un développement juste et équitable, mais aucun autre paradigme n'a encore émergé. Les droits à la terre et aux ressources naturelles constitueront un pas en avant en créant un ordre mondial juste et équitable. Les institutions internationales telles que l'ONU doivent jouer un rôle essentiel dans le développement de ce paradigme alternatif, non seulement grâce à la déclaration de Via Campesina, mais en allant encore plus loin pour garantir à tous les pauvres, ruraux et urbains, un accès à la terre et aux ressources naturelles, comme un droit fondamental. Une telle structure internationale soutiendra le travail des militants sociaux en persuadant leurs gouvernements respectifs de créer et de mettre en œuvre des politiques qui donneront aux communautés démunies l'opportunité de reprendre le contrôle sur leur propre vie dans les dignité et le respect de soi. Jan Satyagraha appelle les militants des droits de l'homme à travers le monde à reprendre le fait que le contrôle des terres et l'accès aux ressources naturelles est un droit humain, puisque de celui-ci découle beaucoup d'autres droits humains.”